La capacité décisionnelle des aînés au cœur de la recherche sociale
Ils viennent d’horizons différents, mais partagent une même conviction : les personnes âgées vivant avec des troubles cognitifs (maladie d’Alzheimer ou pathologies apparentées) ont encore leur mot à dire. Juriste, philosophe, chercheuse en bioéthique… Caroline Guffens, César Meuris et Claire Rommelaere travaillent ensemble sur un projet aussi essentiel qu’innovant, financé par notre Fondation. Découvrez leur interview.
Quel est votre parcours ?
Nous sommes trois chercheurs issus de disciplines différentes, mais rassemblés par une même préoccupation : faire progresser la reconnaissance des droits des personnes âgées, même lorsqu’elles sont confrontées à des troubles cognitifs.
Grâce à nos expertises complémentaires (droit, gérontologie, philosophie et éthique du vieillissement), nous sommes en mesure d’aborder la question de la capacité décisionnelle des personnes âgées de manière globale, en lien avec les réalités vécues sur le terrain.
Sur quoi porte votre projet ?
Il s’agit de valoriser les résultats de notre recherche actuelle intitulée « Exploration des mécanismes de prise de décisions par et pour les personnes présentant des difficultés cognitives et résidant en maison de repos ». A travers près de 70 entretiens de résidents et de professionnels de 6 maisons de repos à Bruxelles et en Wallonie, nous nous demandons comment la voix des ainés souffrant de troubles cognitifs est portée, entendue, considérée, comprise, si leurs décisions peuvent être suivies d’effet ou pas, surtout dans les situations de discordances avec d’autres voix. En effet, tous à notre niveau nous constatons des difficultés à concrétiser le droit des aînés de prendre des décisions pour eux-mêmes, surtout lorsqu’ils éprouvent des difficultés cognitives. Nous avons décidé de nous concentrer sur la maison de repos où les situations de prise de décision sont nombreuses au quotidien. À quelle heure se lever, que mettre sur sa tartine ou quel vêtement porter ? Où s’installer pour passer la journée ? Participer à l’activité ou pas ? Prendre ou ne pas prendre ce médicament, être hospitalisé, conten- tionné, alimenté artificiellement, sécurisé dans un service fermé ?
Quel est votre objectif ?
Nous voulons mieux comprendre comment la capacité décisionnelle se construit dans la vie quotidienne en maison de repos. Il ne s’agit pas d’une capacité « tout ou rien » : elle dépend du contexte, du soutien qu’on apporte, et du regard qu’on porte sur la personne.
Notre ambition est de créer des outils concrets et accessibles :
- des supports pédagogiques pour les professionnels,
- des fiches illustrées pour les familles et les résidents eux-mêmes,
- un guide de sensibilisation destiné au grand public.
En valorisant les paroles des aînés, en rendant visibles les points de tension comme les réussites, nous espérons renforcer la capacité d’agir des personnes âgées, même fragilisées cognitivement. Et, à travers cela, contribuer à un changement de regard de la société sur la vieillesse et les maladies neurodégénératives.
Que représente pour vous le soutien de la Fondation Stop Alzheimer ?
Ce soutien est essentiel. Il nous permet non seulement de finaliser notre recherche, mais surtout de transformer nos analyses en outils utiles, diffusables et concrets.
Les sciences humaines et sociales sont encore trop peu financées, alors qu’elles sont indispensables pour interroger nos pratiques, faire évoluer les mentalités et améliorer la qualité de vie des personnes concernées.
Que Stop Alzheimer choi- sisse de soutenir un projet comme le nôtre est une reconnaissance forte de notre travail, mais aussi du rôle crucial que joue la parole des personnes âgées dans la réponse à Alzheimer et aux mala- dies apparentées. Pour cela, nous vous remercions sincèrement.
